De Paname à Syd, à vélo, en lit à roulettes, à fond la caisse ou à pas lents, in French and English, sailing and steaming, even roller-bedding, stroll, rush and dérive pour un bout de chemin. Explosif!

21 December 2008

Post-moderne




Dans le fond, l'art post-moderne, ou même moderne, est un dialogue avec l'art classique. Un illustre cabot, Jeff Koons, a investi le château de Versailles, parangon du classicisme s'il en est, pour y mêler des homards en plastique aux horloges rocaille, la barbie de base aux biscuits de Sèvres, et le pire de tout, c'est que cet assemblage que condamneraient les puristes est relativement harmonieux. Que ce soit du XVIIème ou du XXIème, ça brille, ça clinque et ça en jette, ça projette de la richesse à la surface de vos mirettes et on en ressort ébloui comme d'un flash en pleine face.
Les mêmes puristes cracheraient sur tout vocable non agréé par l'Académie française, cette phallogérontocratie, au nom des momies, des sépulcres et des squelettes de laboratoire.
Dans l'art façon ancien régime consistait à copier un modèle antique et à l'interpréter selon sa propre voix, comme un musicien jouerait une partition. La Fontaine a copié les fables d'Esope, Molière les comédies de Plaute, le Bernin les éphèbes de Praxitèle. Dans l'art contemporain, on se vante de s'approprier des modèles et de leur tordre le cou en leur rendant par là même un hommage plus circonvolu mais non moins sincère. A dada sur leur bidet.

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04 December 2008

Du paysage et de la carte


Le paysage est la carte d'un imaginaire, avec ses orientations, haut, bas, gauche, droite, et ses points cardinaux, septentrion, midi, orient, occident (plus exotique que nos sempiternelles monosyllabes, non?)
Parmi les paysages, ceux qui peignent la nature en appellent au sublime, au dépassement de la mesure humaine par l'incommensurable. Le paysage urbain est, lui, abstrait, parce que géométrique, bâti de main d'homme (vous connaissez beaucoup de femmes parmi les architectes et les ouvriers du bâtiment, vous?).

Dès que le temps travaille un paysage urbain, c'est la vie qui suinte des murs, qui les anime de rêveries et de chaos, de jeux et de fêlures, de mille passions infinitésimales à travers lesquelles le passant voit comme par des seuils. Le mur se fait médium, fenêtre, carte, circuit ouvert au songe. On est plus à même de saisir les fantômes qui le hantent par la peinture que par la photo. La main anime la surface du tableau comme d'autres mains ont fait vivre, ont habité ces autres surfaces. La main tord les angles droits, les parallèles, les plans orthogonaux, elle les gauchit, elle transforme le géométrique en empathique, elle donne son esprit, humble, inexact et humain, à l'espace urbain; comme les arbres le transfigurent de leurs branches et de leurs feuilles.

Est-on condamnéEs à se laisser fasciner par les tout petits bouts de poésie de l'espace urbain, sous peine d'y être aliéné à en mourir? Les murs sont des surfaces de projection pour un cinéma intérieur que détruisent télévision et ordinateur. C'est ce geste de se les représenter autrement, au-delà de leur matérialité et de leur fonction architecturale, qui fait des murs des ouvertures vers l'espace spirituel, comme s'ils avaient vocation de cartographier les émotions et les réflexions passées, de s'en faire la trace et la ruine, l'os et la crypte.

Les architectes rêvent de nos espaces futurs sur des ordinateurs, et les génèrent comme des structures abstraites, géométriques pures. L'humain, l'homme, n'y a de place qu'en tant qu'abstraction, un point minuscule dans une tour mégane escaladant le ciel. A cette distance, la femme n'existe pas, sauf à l'état de robe et de cheveux longs, c'est d'hommanité qu'il faudrait parler, une entité collective pareille à une fourmilière, marchant d'un pas égal vers une tâche commune dans une cohésion parfaite où chaque rôle particulier est distribué comme une lobotomie, selon une hiérarchie stricte .

Les espaces urbains ont beau être minéraux, inertes et artificiels, ils finissent par acquérir une qualité organiques, avec l'âge, l'érosion, la moisissure, la fissure, la poussière et la percée des herbes, des arbres à travers pavés et asphalte. Avec les objets quotidiens qui portent encore la trace des corps de leurs utilisateurs. Les coups, les creux, les gauchissements, les usures et les jeux, les raidissements et les tendresses. Montre-moi tes murs, je te dirai qui tu es.

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