De Paname à Syd, à vélo, en lit à roulettes, à fond la caisse ou à pas lents, in French and English, sailing and steaming, even roller-bedding, stroll, rush and dérive pour un bout de chemin. Explosif!

04 December 2008

Du paysage et de la carte


Le paysage est la carte d'un imaginaire, avec ses orientations, haut, bas, gauche, droite, et ses points cardinaux, septentrion, midi, orient, occident (plus exotique que nos sempiternelles monosyllabes, non?)
Parmi les paysages, ceux qui peignent la nature en appellent au sublime, au dépassement de la mesure humaine par l'incommensurable. Le paysage urbain est, lui, abstrait, parce que géométrique, bâti de main d'homme (vous connaissez beaucoup de femmes parmi les architectes et les ouvriers du bâtiment, vous?).

Dès que le temps travaille un paysage urbain, c'est la vie qui suinte des murs, qui les anime de rêveries et de chaos, de jeux et de fêlures, de mille passions infinitésimales à travers lesquelles le passant voit comme par des seuils. Le mur se fait médium, fenêtre, carte, circuit ouvert au songe. On est plus à même de saisir les fantômes qui le hantent par la peinture que par la photo. La main anime la surface du tableau comme d'autres mains ont fait vivre, ont habité ces autres surfaces. La main tord les angles droits, les parallèles, les plans orthogonaux, elle les gauchit, elle transforme le géométrique en empathique, elle donne son esprit, humble, inexact et humain, à l'espace urbain; comme les arbres le transfigurent de leurs branches et de leurs feuilles.

Est-on condamnéEs à se laisser fasciner par les tout petits bouts de poésie de l'espace urbain, sous peine d'y être aliéné à en mourir? Les murs sont des surfaces de projection pour un cinéma intérieur que détruisent télévision et ordinateur. C'est ce geste de se les représenter autrement, au-delà de leur matérialité et de leur fonction architecturale, qui fait des murs des ouvertures vers l'espace spirituel, comme s'ils avaient vocation de cartographier les émotions et les réflexions passées, de s'en faire la trace et la ruine, l'os et la crypte.

Les architectes rêvent de nos espaces futurs sur des ordinateurs, et les génèrent comme des structures abstraites, géométriques pures. L'humain, l'homme, n'y a de place qu'en tant qu'abstraction, un point minuscule dans une tour mégane escaladant le ciel. A cette distance, la femme n'existe pas, sauf à l'état de robe et de cheveux longs, c'est d'hommanité qu'il faudrait parler, une entité collective pareille à une fourmilière, marchant d'un pas égal vers une tâche commune dans une cohésion parfaite où chaque rôle particulier est distribué comme une lobotomie, selon une hiérarchie stricte .

Les espaces urbains ont beau être minéraux, inertes et artificiels, ils finissent par acquérir une qualité organiques, avec l'âge, l'érosion, la moisissure, la fissure, la poussière et la percée des herbes, des arbres à travers pavés et asphalte. Avec les objets quotidiens qui portent encore la trace des corps de leurs utilisateurs. Les coups, les creux, les gauchissements, les usures et les jeux, les raidissements et les tendresses. Montre-moi tes murs, je te dirai qui tu es.

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